Interview de Dominique Planchenault, Inspecteur général de la santé publique vétérinaire, auteur du rapport « Les biotechnologies et les nouvelles variétés végétales » publié en février 2012.
Interview de Charles Pinet.
Quels sont les risques potentiels de l'utilisation des OGM dans l'alimentation et dans le milieu naturel ?
Il est difficile de parler des risques. Initialement, les risques étaient de transmettre des gènes d’allergie par l'alimentation et d'avoir un potentiel de développement plus fort d'une espèce transgénique qu’une espèce normale. Actuellement, les risques d'allergie sont quasiment nuls, en tout cas pas plus significatifs que les risques allergiques actuellement étiquetés. Les gènes marqueurs qui pouvaient présenter un phénomène d'allergie ne sont plus utilisés. Concernant le risque de développer des tumeurs, en approche scientifique, le risque n’est jamais nul: tout aliment peut présenter des risques de tumeurs ou de cancers. En approche idéologique, le risque est tellement faible que je serai capable d’affirmer à la radio qu’il est nul. Avec plus 10 ans de recul, on a constaté ne pas avoir la moindre apparition spontanée de tumeurs.
La France est-elle le seul pays au monde où le débat sur les OGM est aussi vif ou passionnel ? Quelles en sont les raisons ?
Le débat existe aussi en Allemagne, mais il vrai que la France est le pays où il est le plus vif. Cela résulte à mon avis de l'histoire des OGM et d'un concours de circonstances : les OGM sont sortis en même temps que les affaires de la « vache folle » et du sang contaminé. Cela a conduit à une perte de confiance en la science (dans le cas du sang contaminé) et dans les techniques d’élevage (dans le cas de la vache folle). De plus, les OGM n'étaient pas au point il y a dix ans, car on n'était pas sur du gène transmis. En revanche, maintenant, on arrive à avoir une connaissance très fiable du gène transmis et une connaissance beaucoup plus précise de l'endroit où il est positionné, même si cela n'est pas encore parfait. Le débat est important, il doit continuer et la France est en avance sur la discussion, mais pas assez en avance sur les biotechnologies.
Au vu de l’évolution des besoins alimentaires du monde d'ici 2050, les OGM sont-ils la seule réponse crédible ?
Les OGM ne sont pas la seule technique disponible pour augmenter la production. Il faudra améliorer les façons de planter et de cultiver. Il y a des contraintes de production et environnementale et cette dernière est nouvelle. Dans le passé, il a été préjudiciable d'avoir un même industriel fabriquant les pesticides et les semences OGM. Concernant les nouvelles variétés, on va vers de nouveaux plants résistant à la chaleur, ou moins gourmand en eau (deux fois moins) ou en engrais (phosphore, azote..). L’évolution passera par une semence de mieux en mieux adaptée au terrain où elle pousse. Et pour cela, il faudra modifier directement le gène sans passer nécessairement la transgenèse.
A long terme, les OGM ne vont-ils pas subir le sort de l'énergie nucléaire, à savoir une technologie prometteuse devenue de moins en moins acceptable par le public ?
Le terme OGM n'est pas bon. Il faudrait plutôt parler de la transgenèse. Est que la transgenèse va devenir une technique de plus en plus refusée par le public? Je vous réponds sans hésiter non. On l'utilise déjà et la société l'accepte. Beaucoup de médicaments sont produits par transgenèse avec des micro-organismes ou des plantes. Il y a donc une acceptation de facto de la transgenèse mais pas du terme OGM. Mais il faut continuer à expliquer au public que l'utilisation de la transgenèse - qui existe dans la nature - sert surtout à exacerber les qualités d’une plante et à accélérer les mutations naturelles. A mon avis, il y aura dans le futur une meilleure acception des biotechnologies en général.
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